J'avais dans l'idée de l'inviter dans la guilde depuis le début de notre rencontre, enfin si on enlève la subtilisation de ma bourse bien sûr. malgré ma colère sur le moment, je dois bien avouer que la petite anomalie m'a bien surpris d'avoir réussi à me voler aussi facilement. Je reconnais qu'elle est plutôt douée, et que son talent ne peut-être qu'utile dans un groupe où l'on accepte souvent des contrats du genre : ramener un objet au client. Dans la plupart des cas d'ailleurs, le dit objet a souvent été volé, ou caché par un rival. Alors avoir dans ses rangs un pick-pocket adroit, ne peut être qu'un gros atout.

Après des débuts difficiles, en partie dû à son étrange particularité d'être deux dans le même corps, ce qui n'a pas facilité les échanges et la compréhension entre nous, la soeur la plus "sage et raisonnable" a finalement convaincu son côté plus "taquin", que cela peut être bénéfique pour toutes les deux de rentrer dans la guilde.

Sur le chemin de la tour, Nefer m'explique qu'avec un peu d'entraînement, je pourrai différencier les deux soeurs, mais je vous avoue que je ne me souviens déjà plus de qui est qui, quand les yeux changent de couleur.

"Je ferai de mon mieux pour ne plus vous vexer mesdemoiselles !"

Je pense que je vais surtout, simplement les tutoyer toutes les deux, car au moins ce sera à la fois personnel, et ça m'évitera de me prendre la tête à savoir qui est en face de moi, quand je m'adresse à elles. Dans mon esprit, elles restent un seul et même corps. Et après tout, quand je demanderai à l'une de deux de faire quelque chose, l'autre sera de toutes façons avec sa soeur et n'aura pas d'autre choix que de la suivre.

Nous finissons par arriver à la grande tour des guildes, où chacune à son propre hall, appelée communément "maison", sa propre salle commune, et ses propres parties privées. Je ne sais pas trop comment cela fonctionne dans les faits, mais il faut savoir que la taille de la maison de guilde s'adapte automatiquement au nombre de membres qu'elle contient. Passés la porte d'entrée, nous arrivons dans le grand hall de la tour, et je commence par une explication sommaire du lieu, histoire qu'elles se repèrent plus facilement.

"Ici, on trouve tout ce qu'il faut pour gérer une guilde : banque, marché de guildes, bibliothèque de données, et taverne. Au fond, c'est la grande salle du conseil de Midgard. Ensuite il y a les escaliers qui desservent les différents étages, longs couloirs sans fin avec une porte ouvrant sur les différents halls de guildes. Ou sinon... Tu prends le portail qui te permet d'arriver directement dans la maison de ta guilde. Mais comme tu n'as encore rien signé, on va devoir marcher !"

Je lui adresse un clin d'oeil et continue sur ma lancée.

"On a de la chance, on est au premier étage. elle n'en a pas l'air, mais les Baroudeurs sont une des plus anciennes guildes du jeu."

Au bout de quelques minutes, la porte s'ouvre sur la salle commune de notre hall, au couleurs de notre bannière. Elle est simple, mais efficace : des tables et des bancs pour prendre les repas, ou pour nos réunions, une cuisine avec tout ce qu'il faut pour manger et boire, des panneaux d'affichage pour les missions à disposition, des sanitaires avec baignoires et toilettes, un bureau pour l'administration générale, et enfin un escalier qui va à l'étage avec toutes les chambres. Je salue au passage quelques membres présents en train de jouer aux cartes. J'invite les deux soeurs à me suivre jusqu'à une table, m'assois en face d'elle, et fouille dans mon inventaire, pour en sortir un contrat d'intégration.

"Bon ben on y est. Voilà le contrat qui te liera à nous. prends le temps de  lire. Dans les grandes lignes, ça dit que tu t'engages à ne pas rejoindre une autre guilde, à lui être loyale, et à ne pas voler les autres membres, ni leur faire du tort, et à faire de ton mieux pour mener à bien le rôle et les missions demandées par la guilde. Ca explique aussi que toutes les récompenses que tu gagnes au cours de ces missions doivent être entièrement redonnées à la guilde. Une partie est reversée directement dans la banque de guilde, ou revendue pour elle, l'autre est redistribuée aux membres qui ont participé à la mission. Chacun met la main à la pâte ici en plus de prêter ses talents de combattants, donc il faudra aussi que vous choisissiez une tâche: ménage, cuisine, menuiserie, forge, chasse ou toute autre activité utile à la guilde."

Je reprends mon souffle pour continuer, et répondre en même temps à l'une de ses interrogations.

"Ah oui, et ça dit aussi que tu as un petit logement attitré ici, sauf si tu préfères vivre à l'extérieur de la tour. Ce n'est pas le grand luxe, mais c'est confortable tu verras. Et si tu loges ailleurs, et vu que les chambres se déverrouillent automatiquement dès que quelqu'un signe chez nous, nous utilisons les chambres inhabitées comme salles de stockage."

Alors que nous traversons la grande salle commune des Baroudeurs, j'entends des chuchotements et des murmures qui font naître en moi un agacement gênant. Je stoppe net les commentaires dit à voix basse et scrute les joueurs à la table d'où partaient les messes-basses. J'ai beau essayer de faire de mon mieux pour enrôler les meilleurs atouts possibles pour la guilde, je ne supporte pas ce genre de comportement.

"Si les nouvelles recrues ne vous reviennent pas, la porte est grande ouverte ! Je ne veux pas de racisme, ni de préjugés chez les Baroudeurs ! On est tous dans la même galère, tous là pour s'en sortir et survivre,  et c'est la seule chose qui doit compter chez nous. Un dernier commentaire avant que je me foute en rogne pour de bon ? Non ? Alors allez vous occuper de choses plus productives que de rester à attendre que le temps passe !"

Je n'attends ni les réponses, ni des excuses, ni des explications des intéressés, et entrainent les deux soeurs à l'écart des autres tables, en profitant pour sortir les contrats officiels qui les liera à notre guilde.

"Ne faites pas attention à eux, on a tous des manières différentes de gérer le stress d'être coincés ici. Certains y arrivent mieux que d'autres, et certains ont juste peur de la nouveauté... Mais la plupart d'entre nous, comme Jönaz qui a pris votre défense, essaient de vivre en harmonie avec ce nouveau monde, et cela implique aussi de vivre avec toutes les créatures qui le composent"

Je reviens sur la tâche qu'elles auront à choisir pour participer à l'effort communautaire de la guilde. Si c'est vrai que notre famille recherche toujours des artisans spécialisés, il n'y a aucun doute que leur faible niveau ne nous sera pas précieux dans l'immédiat. En revanche, elle pourraient très bien fournir nos forgerons en matières premières. Le temps passé à récolter des ressources ne leur sert pas à réparer, ou construire de nouveaux équipements.

Le ménage et rangement de votre logement vous incombe, mais celui des salles communes est fait par tout le monde, même moi. En ce qui concerne votre rôle propre, que diriez-vous d'apporter les métaux et gemmes que vous aurez récolté au cours de vos missions, à nos forgerons attitrés ? En échange, vous pourrez aussi vous former à leur côté, et monter votre expérience ? Par exemple, avec Jönaz ?

J'étale le parchemin devant leurs yeux et leur laisse un peu de temps pour le lire, si elle le veulent. J'en profite pour leur envoyer l'invitation officielle, par messagerie, pour que le système prenne en compte leur adhésion.  

"Ouvrez votre MESSAGERIE, tout est à l'intérieur. Accepter l'invitation apposera directement votre accord sur le parchemin, et officialisera votre adhésion. Cela créera et déverrouillera aussitôt votre logement. On y va dès que vous êtes prêtes."

Je déteste devoir faire péter les gallons, mais parfois, il faut bien recadrer les membres de ma guilde quand ils dépassent les bornes. Avant toute chose, je refuse catégoriquement, c'est qu'il y ait des critiques non constructives, surtout quand j'amène des nouvelles têtes. Les baroudeurs savent très bien que je ne mâche pas mes mots quand j'ai des reproches à faire, mais ils savent aussi qu'une fois que la tempête est passée, je remets les compteurs à zéro et passe à autre chose.

Une fois que les fauteurs de trouble ont été recadrés, j'invite les deux soeurs à me suivre un peu plus au calme, et leur explique la suite des événements, à commencer par le fameux contrat qui va les lier à la guilde. Comme toujours, l'invitation se fait par voie de messagerie, mais depuis l'apocalypse, les contrats se traduisent aussi sous la forme d'un parchemin physique. Quand un joueur accepte l'invitation, une signature personnelle apparait sur le papier, que notre archiviste classe par la suite.

La signature en forme de patte de chat se dessine. Et il se passe immédiatement un phénomène inattendu. La petite anomalie disparait de la place où elle était assise sous mes yeux ébahis, et un hoquet de surprise sort de ma bouche. Quelques secondes plus tard, les deus soeurs se rematérialisent comme par magie près de la porte de la salle commune, et Nefer semble toute aussi surprise que moi de se retrouver là-bas. Elle revient d'un air perplexe, le regard plongé sur le module de son bras.

"Oulà, il s'est passé quoi là ?"

Je n'ose pas en demander d'avantage pour le moment, et la regarde incrédule quand elle revient s'asseoir en face de moi. j'ai entendu des rumeurs sur des téléportations inexpliquées parmi les joueurs de la nouvelle race, je me demande si ça ressemble à ce que je viens de voir...

"Je ne sais pas si c'est toi qui a fait ça, mais il faudra en reparler plus tard si tu veux bien... Mais pour le moment, restons concentrer sur ton intégration."

J'enroule avec précaution le parchemin signé et l'envoie dans mon inventaire. Je le ferai parvenir à Régulus plus tard. La répartie de Nefer m'arrache un sourire amusé quand elle me répond qu'elle n'est pas d'accord pour donner tout ce qu'elle récolte à la guilde. Et je l'arrête d'une main levée pour dissiper tout de suite la malentendu.

"Non, il n'est pas question de ça. Quand je parle de tes missions, je parle des cessions de farm organisées par la guilde. On essaie d'en faire au moins une par semaine pour renflouer les matières premières, ingrédients pour la bouffe compris. On demande à tout le monde de partir en équipe, en fonction de la spécialité de chacun, pendant 2 heures par exemple, et tout ce qui est récolté par les baroudeurs pendant cette mission de farm, rentre dans les caisses de la guilde. Ce que tu farmes le reste du temps t'appartient. Libre à toi d'en donner une partie aux baroudeurs ou non."

J'attends une réaction de sa part, au cas où je ne me sois pas montré assez clair, avant de poursuivre. Et j'interpelle Jönaz pour qu'il nous rejoigne à la table. Il nous rejoint avec un grand sourire, et salue aimablement les filles d'un signe de la main.

"Salut Miss, sois la bienvenue dans la famille ! Tu voulais me parler Patron ? Ne me dis pas que tu as encore ébréché ton épée !?"

J'accueille mon ami d'une tape amicale sur l'épaule.

"Pas cette fois vieux frère ! Jönaz, je te présente les jumelles Nefer et Yukie qui nous rejoignent aujourd'hui. Je voulais te demander si tu accepterais de les parrainer, elles veulent aussi se spécialiser dans la forge."

Après qu'il ait accepté avec un grand sourire, je me tourne vers les filles pour leur expliquer comment elles vont débuter leur apprentissage.

"Les premiers temps, les recrues sont placées sous la tutelle d'un baroudeur plus ancien. Vu que Jönaz a déjà pris votre défense, et qu'il est aussi un de nos maîtres forgerons, je pense que vous serez très bien sous sa coupe. Il vous expliquera les choses essentielles à savoir sur la guilde, ses spécialités, ses corps de métiers, et sera là pour répondre à vos questions. Ca vous convient ?"